“(1) Sur la coursie (le corridorium des Latins des bas âges) se promenaient deux officiers, le hortator remigum et le symphoniacus le premier exhortant les rameurs à donner toute leur force pendant la navigation à l'aviron, les encourageant et, par un certain cri mesuré, leur indiquant les mouvements de la nage large et de la nage allongée. Ce cri ou chant était nommé jussio, d'où le hortator prenait le nom de jussor tant qu'il le faisait entendre; les Grecs nommaient cette espèce de mélopée xé??voua, d'où les Latins avaient fait le celeusma. Le céleusme et l'encouragement étaient souvent insuffisants pour exciter les rameurs, aisément fatigués; le hortator avait recours alors au portisculus, bâton qui était l'insigne de sa charge, et dont il frappait le rameur paresseux ou le maladroit qui n'entrait pas bien dans l'ensemble, si nécessaire à garder pour la nage. Quelquefois les rameurs nommaient leur hortator: portisculus, du nom de son gourdin. Les rameurs, au moyen âge, appelèrent par antiphrase comite (de comis, doux) l'officier qui, toujours armé du nerf de bœuf, présidait à l'action de la chiourme. Age! était le mot que jetait le plus ordinairement à son équipage le hortator, nommé souvent ageator, tant parce qu'il prononçait à tout moment l'impératif age, que parce que son poste était l'agea. Quant au symphoniacus, c'était un homme qui, pour délasser les rameurs, jouait sur la flûte de certains airs bien rhythmés, ou chantait sans accompagnement de certaines chansons vives et gaies, qui avaient le pouvoir de faire oublier, jusqu'à un certain point, à ces pauvres gens et le rude métier qu'ils faisaient et le bâton du portiscule.” [pp.164-5] “Quant au triplici versu, il exprime, à mon avis, un chant trois fois répété (1), un cri, un hourra! une espèce de celeusma dont la tradition est vivante encore dans les bâtiments où, pour tous les travaux de force, et, par exemple, quand on hale les boulines, un matelot, le véritable hortator des anciens navires, chante: Ouane, tou, tri! hourra! (one, two, three! hourra! - angl.). La tradition antique était pleine de force au moyen âge, à Venise, où la chiourme du Bucentaure, toutes les fois que le navire ducal passait devant la chapelle de la Vierge, construite à l'entrée de l'Arsenal, criait trois fois: Ah! Ah! Ah! donnant un coup de rame après chacune de ces acclamations.” [p.369] [La Flotte de César; Jal, 1861]
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