LES DJINNS (French) (1829, Victor Hugo 1802-1885) Murs, ville, Et port, Asile De mort, Mer grise Où brise La brise, Tout dort. Dans la plaine Naît un bruit. C'est l'haleine De la nuit. Elle brame Comme une âme Qu'une flamme Toujours suit! La voix plus haute Semble un grelot. D'un nain qui saute C'est le galop. Il fuit, s'élance, Puis en cadence Sur un pied danse Au bout d'un flot. La rumeur approche. L'écho la redit. C'est comme la cloche D'un couvent maudit ; Comme un bruit de foule, Qui tonne et qui roule, Et tantôt s'écroule, Et tantôt grandit, Dieu ! la voix sépulcrale Des Djinns !... Quel bruit ils font ! Fuyons sous la spirale De l'escalier profond. Déjà s'éteint ma lampe, Et l'ombre de la rampe, Qui le long du mur rampe, Monte jusqu'au plafond. C'est l'essaim des Djinns qui passe, Et tourbillonne en sifflant! Les ifs, que leur vol fracasse, Craquent comme un pin brûlant. Leur troupeau, lourd et rapide, Volant dans l'espace vide, Semble un nuage livide Qui porte un éclair au flanc. Ils sont tout près ! - Tenons fermée Cette salle, où nous les narguons. Quel bruit dehors ! Hideuse armée De vampires et de dragons ! La poutre du toit descellée Ploie ainsi qu'une herbe mouillée, Et la vieille porte rouillée Tremble, à déraciner ses gonds! Cris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure! L'horrible essaim, poussé par l'aquilon, Sans doute, ô ciel ! s'abat sur ma demeure. Le mur fléchit sous le noir bataillon. La maison crie et chancelle penchée, Et l'on dirait que, du sol arrachée, Ainsi qu'il chasse une feuille séchée, Le vent la roule avec leur tourbillon! Prophète ! si ta main me sauve De ces impurs démons des soirs, J'irai prosterner mon front chauve Devant tes sacrés encensoirs! Fais que sur ces portes fidèles Meure leur souffle d'étincelles, Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes Grince et crie à ces vitraux noirs! Ils sont passés ! - Leur cohorte S'envole, et fuit, et leurs pieds Cessent de battre ma porte De leurs coups multipliés. L'air est plein d'un bruit de chaînes, Et dans les forêts prochaines Frissonnent tous les grands chênes, Sous leur vol de feu pliés! De leurs ailes lointaines Le battement décroît, Si confus dans les plaines, Si faible, que l'on croit Ouïr la sauterelle Crier d'une voix grêle, Ou pétiller la grêle Sur le plomb d'un vieux toit. D'étranges syllabes Nous viennent encor ; Ainsi, des arabes Quand sonne le cor, Un chant sur la grève Par instants s'élève, Et l'enfant qui rêve Fait des rêves d'or. Les Djinns funèbres, Fils du trépas, Dans les ténèbres Pressent leurs pas; Leur essaim gronde: Ainsi, profonde, Murmure une onde Qu'on ne voit pas. Ce bruit vague Qui s'endort, C'est la vague Sur le bord; C'est la plainte, Presque éteinte, D'une sainte Pour un mort. On doute La nuit... J'écoute : -Tout fuit, Tout passe L'espace Efface Le bruit. | THE GENIES Translation ©Marva Barnett (Cf. below)
Walls, town, and port, harbor of death. A grey sea where the breeze breaks; everything sleeps. On the plains, a noise is born. It’s the breath of night. It moans like a soul a flame always follows. The loudest voice resembles a little spherical bell. It’s the gallop of a jumping dwarf. It flees, rushes forward, then in cadence dances on one foot at the end of a wave. The rumor approaches. The echo repeats it. It’s like the steeple bell of a cursed convent; like the noise of a crowd that thunders and rolls and sometimes collapses and sometimes grows. God! the sepulchral voice of the Genies! What noise they make! Let’s flee under the spiral of the deep staircase. Already my lamp goes out, and the shadow of the banister that creeps up the wall climbs all the way to the ceiling. The Genie swarm is passing in a whistling whirlwind! The yews, smashed by their flight, crack like a burning pine. Their heavy, rapid troop, flying in the empty space, seems to be a livid cloud that carries lightening in its side. They’re really near! Let’s keep this room closed, here where we deride them. What a noise outside! Hideous army of vampire and dragons! The detached roof beam is bending like a damp piece of grass, and the old rusty door is trembling off its hinges! Cries of hell! Voices that shriek and lament! The horrible swarm, pushed by the north wind, without a doubt, oh heavens! is swooping down on my house. The wall yields before the black battalion. The leaning house screams and totters; and one would say that the wind tears the house from the ground, rolling it with their whirlwind, as it might chase a dry leaf! Prophet! If your hand saves me from these impure demons of the nights, I will prostrate myself before your sacred censers/altars. Let it be that, before these faithful doors, their breath dies in sparks, and that in vain the claws of their wings scratch and screech at these dark windows! They’ve gone! Their cohort flies away, flees; and their feet have stopped beating on my door with multiple blows. The air is full of the noise of chains; and in the nearby forest all the great oaks quiver, folded beneath their flight of fire! The beating of their distant wings diminishes: so confused in the plains, so feeble that one seems to hear the locust cry in a frail voice, or hail crackle on an old lead roof. Strange syllables still come to us; thus does an Arab chant rise up on the beach when the horn is sounded; and the child who dreams dreams golden dreams. The baneful Genies, sons of death, hurry on into the shadows; their swarm growls: thus profoundly murmurs a wave one doesn’t see. This vague noise that subsides in sleep is the wave on the shore; it’s the moaning, almost faded away, of a saint for someone dead. We doubt the night I listen —everything flees, everything passes away, space erases the noise. |